Entrevue avec M. Alain Langlois, du Ministère fédéral de la Justice

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(Entrevue datant de 22-04-2008)

Parfois, le destin fait emprunter un détour pour bâtir la personne et pour qu’elle arrive à une destination de façon plus solide. Parti de Victoriaville vers l’École polytechnique de Montréal, il changea de route et se retrouva au Yukon, près de l’Alaska. Il finit par revenir au Québec afin d’entamer des études en droit durant lesquelles il bâtit son leadership, ce qui le mena vers le Ministère fédéral de la Justice. Jurizone a voulu suivre le parcours de ce leader qui deviendra avocat dans quelques mois. C’est avec plaisir qu’il partage son cheminement avec vous.

Jurizone  : M. Langlois, parlez-nous d’abord un peu de votre cheminement académique et de votre expérience professionnelle.

Alain Langlois : Après mes études en sciences pures au CEGEP de Victoriaville, j’ai entrepris de continuer mon parcours scientifique à l’École Polytechnique de Montréal et me suis enrôlé en génie minier. Toutefois, après deux années difficiles, j’ai tout laissé pour voyager à travers le Canada et le Grand Nord. Là, je me suis retrouvé dans un tout petit village du Yukon, situé près de la frontière de l’Alaska, où j’ai commencé tranquillement à faire la cuisine dans un motel. De retour au Québec, j’ai fait mes études en cuisine française à l’ITHQ et ensuite pratiqué la cuisine pendant près de 7 ans.

Toutefois, j’avais toujours eu un intérêt marqué par la politique et me suis demandé quelle était la meilleure façon pour moi de m’impliquer et servir la communauté en général. Après quelques recherches, j’ai conclu que le droit était le meilleur chemin à prendre et j’ai posé ma candidature pour des études en droit à l’UQÀM, où j’ai été accepté. À l’UQÀM, je me suis impliqué dans tout ce qu’il m’a été possible de le faire. Entre autres, j’ai participé à une simulation au siège social de l’ONU à New York, j’ai été membre de l’exécutif de l’association étudiante pendant deux ans (que j’ai présidé la dernière année), ai fondé un club de débats parlementaires et réalisé et animé une émission de radio à CHOQ-FM, la radio universitaire. Trois années bien remplies! J’ai finalement complété mon baccalauréat et l’École du Barreau en 2007, et suis maintenant stagiaire au Bureau Régional du Québec du Ministère de la Justice fédéral.

Jurizone : On entend souvent parler de gestion du temps et du stress par certains étudiants ou des professionnels qui aimeraient trouver quelques moments pour sortir d’une routine en particulier ou afin de mieux servir la communauté. Étant donné que vous avez été bien impliqué au cours de votre cheminement alors que vous étiez également aux études, que pensez-vous de l’organisation du temps et de son impact sur le stress ?

Alain Langlois : Pour devenir avocat, il n’y a aucun doute que l’on se doit d’avoir une tolérance au stress beaucoup plus élevée que la moyenne. Pour ma part, j’ai été élevé « à la dure » dans les cuisines, où le stress est parfois inimaginable. Cependant, dans le domaine juridique comme dans les cuisines, il n’y a qu’un seul secret, et c’est la préparation. Le pire qui puisse arriver, c’est d’arriver à une audition mal préparé. Les meilleurs avocats ne sont pas les plus intelligents, ni les meilleurs orateurs. Ce sont les infatigables qui révisent leurs dossiers et qui mettent le temps nécessaire à préparer leurs documents, avis juridiques et mémoires. La préparation, c’est long, mais c’est payant. Dans les moments plus occupés, c’est aussi cette préparation qui permet de rejoindre les deux bouts et couvrir ses échéances. Pour diminuer le stress et être prêt à parer toute éventualité, il faut tenter de diminuer le plus possible le « dernière minute », même si ça peut parfois paraître impossible.

Jurizone : Vous avez une grande expérience antérieure avec le public, que ce soit à travers vos positions de présidence d’associations tout comme l’animation d’une émission de radio. Quelles sont, selon vous, les caractéristiques primordiales pour bien accomplir les tâches exigées par ces positions ?

Alain Langlois : Un bon sens de l’organisation et beaucoup de temps! Par contre, le plus important quand on entreprend ce genre de projet, c’est vraiment d’aimer profondément et de croire au projet. Pour ma part, je fasciné par le monde des médias et de la politique et il était donc naturel pour moi de faire le saut à la radio ou en politique étudiante. C’est simplement une question de passion : quand notre projet nous tient à cœur, les heures supplémentaires cessent d’être un fardeau.

Jurizone : Quiconque parle de poste de présidence parle nécessairement de leadership. Comment définissez-vous cette caractéristique ?

Alain Langlois : Pour moi, être un bon leader, c’est de savoir où on va. J’ai découvert que les gens sont prêts à nous suivre loin lorsque l’on sait dans quelle direction les amener. Il faut avoir l’esprit clair, se fixer des objectifs, et les atteindre. Aussi, pour inspirer ses troupes, il faut assurer une présence continue. Un bon président, un bon leader, c’est celui qui est le premier arrivé et celui qui part en dernier. C’est la personne vers qui l’on sait pouvoir se tourner en cas de problème. C’est le phare dans le brouillard.

Jurizone : En quoi être un bon leader est-il important au niveau du domaine juridique ?

Alain Langlois : Dans le domaine juridique, cette qualité devient essentielle lorsque l’on travaille en équipe ou même seul avec des clients auxquels on propose des solutions. Un client ne voudra pas suivre son avocat s’il n’a pas confiance en son leadership.

Jurizone : Vous avez déjà été un étudiant délégué à New York pour la simulation des Nations Unies. Parlez-nous un peu de cette expérience.

Alain Langlois : La simulation a été pour moi l’expérience la plus marquante de ma vie. J’y ai rencontré des étudiants et des étudiantes d’une valeur inouïe. Ce n’est pas à tous les jours que l’on se retrouve en compagnie de 3000 des plus brillants étudiants de la planète à tenter de trouver des solutions à des problèmes de premier ordre, comme la corruption ou le trafic de stupéfiants. La simulation est tellement prise au sérieux par l’ONU qu’un rapport est déposé au bureau du Secrétaire général (à l’époque, Kofi Annan) sur les solutions mises de l’avant par les étudiants. Ces dix jours passés à New York m’ont aussi fait réaliser toutes les possibilités dans lesquelles il est possible de s’investir pour aider. Ça remet notre vision du monde en perspective et donne surtout le goût de travailler concrètement à améliorer les conditions de la planète. Sans aucun doute, la simulation a donné un sens à ma vie.

Jurizone  : Vous êtes actuellement stagiaire en droit au Ministère de la justice du Canada. Pourquoi vous avez choisi le domaine public ?

Alain Langlois : Le gouvernement canadien était mon premier choix, et je suis vraiment heureux de la chance qui m’a été donnée. Pour moi, il n’y a aucun doute, le droit doit servir à faire avancer la société et non à servir les seuls intérêts personnels de chacun. Je trouve que beaucoup d’étudiants deviennent avocats pour les mauvaises raisons. Ils veulent s’enrichir bêtement, au mépris de leur propre conscience. Je ne vise pas ici les avocats commercialistes et d’affaires qui défendent les grandes sociétés, mais plutôt les avocats prêts à défendre n’importe quelle cause en autant qu’elle soit lucrative. Au Ministère de la Justice, j’ai l’impression de servir les intérêts du Canada et de faire avancer la société canadienne. J’ai l’impression de faire une différence et d’être utile au plus grand nombre. Je me suis promis lorsque je suis entré en droit de ne pas gaspiller mon propre travail et de maximiser son impact positif. Je crois que le service public est une bonne façon d’y parvenir.

Jurizone  : Comment y trouvez-vous votre expérience jusqu’à maintenant ?

Alain Langlois :  Je ne pourrais demander mieux. Je plaide régulièrement en Cour et les avocats du bureau sont d’une générosité sans limites. Il y a toujours quelqu’un pour répondre à mes questions. De plus, le travail est excitant et certains dossiers sont d’une envergure et d’une visibilité exceptionnelles. D’un autre côté, les ressources dont on dispose pour faire notre travail sont incroyables. Par exemple, pour ce qui est de la formation professionnelle offerte aux avocats, nous pouvons pratiquement participer à une activité de formation par semaine, souvent donnée par les meilleurs praticiens du domaine de spécialité. Comme je le dis souvent : le Ministère de la Justice, c’est le paradis!

Jurizone  : Dans quel domaine du droit comptez-vous pratiquer ultérieurement ?

Alain Langlois : Depuis mon expérience aux Nations Unies, j’ai développé un goût spécial pour les affaires internationales, la diplomatie et le règlement des différends en général. J’aimerais bien pouvoir conjuguer tous ces champs d’intérêts dans mon travail futur. Je n’ai pas encore de plan défini, mais j’ai appris à saisir les opportunités lorsqu’elles passent.

Jurizone  : Pensez-vous que le domaine juridique se dirige vers de nouvelles approches dans les prochaines années ?

Alain Langlois : Sans aucun doute, les modes alternatifs de règlement des différents constituent la grande voie à suivre. Au Québec en particulier, on constate que l’accès à la justice devient de plus en plus problématique, avec seulement une infime portion des gens qui peuvent se payer un avocat. De plus, les délais devant les tribunaux pouvant être longs et coûteux, même les grandes compagnies commencent à s’intéresser à la médiation et à l’arbitrage pour régler leurs conflits. La justice privée est en plein essor et s’adapte beaucoup mieux que les tribunaux traditionnels aux besoins des citoyens. Il y a là des occasions en or pour les plus dégourdis.

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